Confidence : « Mes seins sont devenus mon fardeau : le poids qu’on ne voit pas »

Je m’appelle Aïssatou. J’ai 29 ans et je vis avec une poitrine qui attire les regards, les jugements, les commentaires et parfois… la honte. Oui, la honte. Parce qu’on ne parle jamais des femmes comme moi sans ajouter un mot comme “chanceuse”, “bien gâtée”, “belle nature”. On oublie de demander si, derrière ces formes que tout le monde remarque, il y a de la douleur, de la gêne, de la fatigue.

Depuis l’adolescence, ma poitrine a toujours été plus imposante que celle des autres filles. À 14 ans, on me surnommait “la femme” alors que j’étais encore une enfant. Les garçons ne savaient pas où regarder, les professeurs me lançaient parfois des regards gênés, et moi, je voulais juste disparaître. J’ai grandi en apprenant à me cacher : des tee-shirts larges, des bras croisés sur la poitrine, des blagues forcées pour détourner l’attention.

Aujourd’hui encore, mes seins me pèsent. Littéralement. Le matin, quand je me lève, j’ai mal au dos. Mes épaules sont marquées par les bretelles de mes soutiens-gorge. Je dépense des fortunes pour trouver des modèles qui soutiennent vraiment, mais qui ne ressemblent pas à ceux de ma grand-mère. M’habiller est devenu un casse-tête : trop moulant, on me juge ; trop large, je parais négligée.

Et puis, il y a les regards. Ceux qui ne s’arrêtent jamais à mes yeux. Ceux qui me déshabillent avant même que je parle. Les commentaires qu’on me lance avec un sourire : “Tu es bien faite !”, “Tu dois faire des ravages !”, “Tu n’as pas besoin d’en faire trop, la nature t’a déjà tout donné !”
Mais ces phrases, aussi légères qu’elles semblent, me blessent. Parce qu’elles réduisent ma valeur à une partie de mon corps. Parce qu’elles me rappellent que, pour beaucoup, je ne suis pas une femme avec une âme, mais un corps à admirer.

J’ai longtemps eu honte d’en parler, de peur qu’on se moque de moi. Comment oser dire qu’on souffre d’avoir “trop de poitrine”, alors que d’autres rêvent d’en avoir ? Pourtant, la douleur est réelle. Physique et morale. Les vêtements qui ne ferment pas. Les maux de dos constants. Les remarques déplacées. Les regards lourds. Et cette impression d’être prisonnière d’une image qui ne me correspond pas.

Je ne déteste pas mon corps. Mais j’aimerais qu’il m’appartienne vraiment. J’aimerais marcher dans la rue sans sentir les yeux peser sur moi. J’aimerais qu’un homme me dise que je suis belle, pas “sexy”. J’aimerais pouvoir porter une robe sans me demander si elle attire trop l’attention.

Mes seins ne sont pas un sujet de conversation. Ce sont une partie de moi, que j’aimerais apprendre à aimer sans qu’on me sexualise, sans qu’on me juge.

Alors oui, je me plains. Pas pour me faire plaindre, mais pour rappeler qu’être une femme, c’est aussi porter des choses qu’on n’a pas choisies. Des regards, des jugements, des douleurs. Et parfois, même un peu de solitude.

Peut-être qu’un jour, j’arriverai à me regarder dans le miroir sans penser à tout ça. Peut-être qu’un jour, je verrai juste moi. Pas mes seins. Pas les regards. Juste Aïssatou.

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